Que se passe-t-il avant de faire un croquis d’Ours polaire ? Et bien beaucoup de temps à chercher. Depuis la passerelle du bateau, on passe des heures, des journées, seul ou en équipe à spotter le blanc.
Le blanc ? Grosse erreur. Quasiment rien n’est blanc là-haut, surtout pas la neige. C’est une infinité de nuances de bleus, de verts, de turquoises, de violets, de gris, de jaunes et de bruns. La banquise est un paysage horizontal mais non uniforme. L’entrechoquement des plaques créé des reliefs de quelques mètres et à d’autres endroits ce sont des piscines d’un bleu profond presque noir qui s’ouvrent. Et nous épluchons chaque détail de ce paysage, à la recherche d’une petite tâche non pas blanche comme on pourrait le croire quand on parle d’Ours blanc, mais une tâche crème. L’ours polaire est couleur crème oui.
Alors il y a les fausses joies, quand un bout de glace est teinté de jaune par des micro-algues, ou lorsque de la glace en mouvement ou les mirages, donnent l’illusion d’un animal qui avance au loin. Et puis des fois , toutes les alternatives sont épuisées, on sait qu’on tient un bon candidat à des kilomètres d’ici. On réoriente le bateau, doucement. On s’approche, prudemment. « Mince ! je ne le vois plus ! » On patiente, on se questionne. Les perspectives changent à mesure que le bateau avance et on fait tout son possible pour ne pas perdre de vue le bout de glace derrière lequel on a repéré notre ours potentiel. Et soudain la confirmation : une tête se dresse quelques instants, tâche crème dans un paysage bleu et gris. Il est là. On prend la tangente, on observe attentivement son comportement pour éviter tout dérangement, mais déjà la scène est belle, magnifique.
Un ours au milieu de l’océan, vivant sur un mètre de glace d’épaisseur à la surface de plusieurs centaines de mètres de profondeur d’eau glacée. Quand on prend du recul, qu’on réalise pleinement ce qu’on a sous les yeux et ou est-ce qu’on se trouve, c’est absolument vertigineux. Ce petit mètre de glace fait toute la différence entre la vie et la mort de cet ours, entre la diversité et la pauvreté de cet écosystème, entre l’émerveillement et la tristesse.
Adrien