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L’irrésistible esthétique du froid

De retour d’une semaine en ski, pulka et tente sur des plateaux entre 900 et 1000 mètres d’altitude. L’objectif était de tester le matériel autant de ski et camping que de dessin dans ces conditions. Et quelles conditions ! Pas de chance ce coup-ci et c’était le risque de partir dans l’entre-saison, en Avril. J’ai principalement goûté à la pluie et au vent, le tout dans une neige gorgée d’eau. J’ai quand même pu savourer un peu de la beauté des lieux, de la saison et ramener quelques images accompagnées de quelques réflexions que je partage avec vous ici.

Aquarelle de terrain, 31 x 41 cm.

« Il est tellement simple et tellement difficile de peindre ces paysages. Vous traînez les dizaines de kilos de votre pulka dans le vent et la neige. La beauté est partout, vous inonde. Chaque détour vous offre les contrastes et les nuances de la neige, de la roche et du ciel. Cette irrésistible esthétique du froid qui appelle les pinceaux, réclame l’aquarelle. Vous voulez le peindre mais vous imaginez déjà la séquence à venir : s’arrêter à nouveau, retarder l’itinéraire prévu, déchaussez les skis, détacher la pulka, sortir le papier, les pinceaux, les aquarelles, abriter tout ça des rafales de neiges, que rien ne s’envole, puis peindre avec les gants, agenouillé dans la neige, en luttant pour ne pas perdre le file ténu de la concentration pour ne pas bâcler, pour continuer à observer, pour ne pas peindre vite et au hasard, quand le corps se refroidit, que les jambes s’engourdissent et que la feuille claque au vent et se couvre de neige. Tellement facile de s’appuyer sur ces excuses pour ne pas commencer, pour passer son chemin ou pour vite en finir. Mais irrésistiblement vous voici à peindre, écartelé entre deux mondes.

Mon atelier. J'abrite la feuille et la palette derrière la pulka.

Il y a d’un côté les nuances les plus subtiles de la neige et du ciel qui se confondent. Les plus diluées des couleurs, les plus fines nuances de gris, cette ombre qui tire à peine sur le brun, celle-ci sur le turquoise, cette autre sur un bleu foncé. De l’autre, les contrastes les plus rudes, les plus nets de la roche saillante à travers la neige. C’est facile, évident, chaque coup de pinceaux vous réjouissant instantanément de ce résultat si immédiat. Facile mais trompeur car on perd la nuance dans l’évidence. Quelques coups de pinceaux presque au hasard peuvent créer cette image si facilement que dans votre jubilation vous en oublieriez de regarder la teinte exacte, la valeur juste. Toujours se méfier des solutions trop évidentes, des beaux effets, quand ce que vous cherchez est la justesse. Affaire de tentation et de résistance, de facilité et d’effort.

Aquarelle de terrain, 31 x 15 cm. Les lumières dansent entre les nuages qui glissent au ras de ma tête poussés par la tempête.
Rapide auto-portrait à la fin de cette aquarelle. Je suis sur une crète, abrité derrière un rocher. La neige vole tout autour et le vent a complètement glacé la surface de la neige

Après une semaine dans les montagnes, principalement sous la pluie et dans le vent, j’ai pu ramener quelques aquarelles, un échantillon infime qui démange, qui exige d’y retourner. La neige fond, le printemps gagne du terrain et il est bien probable que le prochain rendez-vous avec la neige soit repoussé à l’automne prochain. »

Aquarelle de terrain, 31 x 20 cm. Nuages à contre-jour. Il y avait le ciel bleu dans la journée, puis la séquence habituelle de nuages qui vous mène à la pluie: d'abord les cirrostratus qui créent un parhélie, puis les altostratus, et puis le ciel se bouche, s'épaissit. Le lendemain j'étais dans les nuages et la pluie est arrivée.

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